Cette recherche-action a été réalisée par le Dr Muriel PARENT, le Dr Elisabeth REBUFFAT, le Dr Marie KROLL en collaboration avec le Dr Chista RETZ et le Prof Michel SYLIN, entre 2008 et 2010.
La prise en charge des enfants victimes d’abus sexuels est difficile car elle nécessite une approche multidisciplinaire et, dans certaines situations, la collaboration avec le monde judiciaire. Dans de nombreux pays (France, Canada, Grande-Bretagne,..), des centres spécialisés dans la prise en charge de ces enfants victimes d’abus sexuels ont vu le jour. Ces centres d’expertise (aux modalités de fonctionnement parfois très différentes) offrent aux jeunes victimes, en un seul lieu, toutes les ressources dont ils ont besoin. A cette époque, il était impératif de proposer une démarche médico-psycho-sociale et judiciaire commune et concertée de prise en charge optimale de l’enfant abusé afin de l’aider à se reconstruire après un tel traumatisme. Préalablement à l’élaboration d’une telle proposition, il était important de connaître les pratiques en vigueur en Belgique francophone et d’en dresser la cartographie. Avec le soutien du Fonds Houtman, ce projet avait pour objectif d’établir un état des lieux des différentes voies d’accès de ces jeunes victimes aux structures de soins.
Lors de cet état des lieux, ont été interrogés :
- 1.999 médecins, parmi lesquels 1.668 généralistes, 134 pédiatres et 197 gynécologues
- 34 hôpitaux
- et 14 équipes SOS Enfants.
Au niveau des médecins privés :
- 25 % des 1.999 médecins de l’échantillon ont répondu au questionnaire qui leur a été transmis ;
- La moitié des médecins ont été confrontés à des cas (même si rarement) ;
- 90 % des médecins collaborent avec des institutions lors de la prise en charge de ces enfants ;
- Le nombre total de victimes est élevé (environ 250 sur les deux ans considérés dans l’étude (2006 et 2007)) ;
- La prise en charge est ressentie comme étant très complexe.
Au niveau des hôpitaux :
- Il y a de réelles difficultés à répertorier le nombre exact d’enfants abusés sexuellement en raison des nombreuses voies d’entrée dans les hôpitaux et de l’absence de système d’encodage spécifique ;
- Le nombre de cas pris en charge est extrêmement variable au sein des différents hôpitaux considérés ;
- L’articulation entre les structures de soins et les équipes SOS Enfants pose question.
Au niveau des équipes SOS :
- Les équipes SOS Enfants bénéficient d’un système de collecte de données efficace (THOPAS) ;
- Le nombre de cas pris en charge est extrêmement variable d’une équipe à l’autre ;
- 20 % des enfants vus dans les équipes SOS le sont dans les 72 heures qui suivent l’abus ;
- L’articulation entre les équipes SOS Enfants et les structures de soins pose question.
Il ressortait clairement de cette enquête que les pratiques différaient d’une équipe à l’autre et, au sein d’une même institution, d’un service à l’autre. Il ne semblait pas non plus exister de procédure commune de prise en charge ni de traitement, bien que l’on retrouvait partout les mêmes préoccupations de prévention et de traitement des maladies sexuellement transmissibles, de prévention d’une grossesse et de prise en charge psychosociale. » Il n’existe aucun protocole commun aux équipes, constataient les chercheuses. Pourtant, chaque victime devrait pouvoir bénéficier d’une prise en charge médicale et psychosociale complète adaptée à sa situation et à son âge, en un seul lieu et en un seul temps. Cette prise en charge devrait également permettre, dans certaines situations, la récolte des preuves de l’abus afin de pouvoir initier une procédure qui aboutira à la vérité judiciaire, tellement importante pour la victime. «
Les chercheuses plaidaient pour l’élaboration d’un tel protocole, commun à toutes les structures d’accueil, et pour la création de centres pluridisciplinaires à même de gérer en un seul lieu les aspects médicaux, psychologiques et judiciaires. « Une meilleure communication entre les différents intervenants médicaux et psychosociaux est indispensable, ainsi qu’une collaboration claire et précise entre ces intervenants et le monde judiciaire, au bénéfice de la victime et de sa famille, pour les aider à se reconstruire après un tel traumatisme. »